Pour éviter que leurs biens ne soient exposés aux aléas de leur activité professionnelle, les chefs d’entreprise doivent réfléchir aux modes de détention de leurs avoirs. Voici des solutions simples pour isoler son patrimoine privé.
● Mettre en sécurité des capitaux dans un contrat d’assurance-vie
C’est une particularité méconnue de l’assurance-vie susceptible de sauver la mise en cas de gros pépins financiers. Les primes versées dans un contrat d’assurance-vie sont à l’abri des créanciers. «Les fonds logés dans de l’assurance-vie sont insaisissables tant que le contrat n’est pas dénoué. Avant cette échéance, on ne sait pas qui sera le bénéficiaire du capital, son titulaire ou celui désigné par la clause. Les fonds sont acquis pendant ce temps à la compagnie d’assurance», explique Marie Pérardelle, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Primonial. Cette spécificité permet au titulaire du contrat de préserver son épargne en cas de liquidation judiciaire ou de dépôt de bilan de sa société. «C’est une disposition très protectrice en faveur du bénéficiaire qu’il est bon de connaître. En cas de décès du titulaire, les sommes seront transmises au bénéficiaire sans risque d’être récupérées par des tiers créanciers», précise Olivier Nigen, directeur d’Arkea Banque privée. En revanche, en cas d’avance ou de retrait par l’épargnant, les fonds sont aussitôt exposés et peuvent être exigés par les créanciers. «Cette protection ne vaut pas en cas d’abus d’infractions pénales, d’abus de droit, de fraudes ou de primes versées exagérément pour organiser volontairement son insolvabilité. Il faut faire preuve d’une logique patrimoniale et d’une épargne régulière», précise ce dernier. Depuis 2010, la confiscation et la saisie de ces fonds sont possibles dans le cadre d’enquêtes pénales. Et l’adoption récente de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a ouvert une brèche supplémentaire dans cette citadelle imprenable. Depuis sa publication au Journal officiel du 7 décembre 2013, ce texte autorise désormais l’administration fiscale à confisquer les sommes placées dans un contrat d’assurance-vie.
● Déclarer l’insaisissabilité de son patrimoine immobilier
Relativement peu connue, la stratégie dite d’insaisissabilité consiste à préserver son patrimoine immobilier personnel. Concrètement, l’intérêt de cette disposition consiste à éviter que la résidence principale ne tombe aux mains des créanciers en cas de faillite du commerce. Cette protection porte sur des biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel de l’entrepreneur. Autrement dit, les murs de garage ou l’entrepôt du commerce ne pourront pas être inscrits dans cette déclaration puisqu’ils relèvent de leur activité. Pour mettre à l’abri le patrimoine personnel et officialiser cette décision, un acte notarié est nécessaire. Sa rédaction dresse la liste des biens immobiliers à sanctuariser. «C’est un moyen utile pour mettre à l’abri la résidence principale, mais on peut aussi mentionner la résidence secondaire, des biens locatifs ou encore des terrains à bâtir», précise Marie Pérardelle. Rapide à mettre en œuvre, cette procédure coûte environ 1.000 euros en comptant les droits d’enregistrement et de publicité dans les journaux d’annonces légales. Attention, «cette martingale instaure une inégalité de traitement entre les chefs d’entreprise. Ce dispositif ne concerne que les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée. Elle ne concerne pas ceux qui exercent leur activité dans une société en nom collectif», souligne Grégoire Salignon, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Rothschild Patrimoine. Cette parade a des travers: il ne faut pas sécuriser le patrimoine immobilier à outrance. «Au moment d’emprunter, les banques exigent souvent un engagement personnel de l’entrepreneur sous forme de garanties financières (cautionnement, hypothèque) et parfois celles relatives à un bien immobilier sont bien utiles en raison de leur montant élevé. Si l’on n’a plus rien à mettre en gage, il sera difficile d’obtenir un crédit pour développer sa société», fait remarquer Michel Brillat, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez CGP Entrepreneurs.
● Créer une société civile immobilière familiale
Plutôt que de détenir un bien immobilier (privé ou professionnel) en direct, le chef d’entreprise a tout intérêt à isoler l’immobilier d’exploitation de l’activité de l’entreprise. Ces actifs seront logés dans une structure à part, à savoir une société civile immobilière (SCI) qui devient la propriétaire de l’immeuble. «En faisant entrer dans cette entité plusieurs associés, dont son conjoint ou/et ses enfants, en nommant un gérant irrévocable, on complique la tâche des créanciers qui voudront se faire payer grâce à la vente du bien lié au fonctionnement de l’entreprise», explique Grégoire Salignon. On peut tout «orchestrer», décider de la répartition des droits de vote, définir les conditions de revente des parts ou encore les mécanismes de sortie des «minoritaires». «Avec un tel dispositif, l’actif immobilier de l’entreprise devient moins facile d’accès, donc moins liquide qu’un bien détenu en direct. Si les statuts sont bien rédigés, le chef d’entreprise peut s’arranger pour que les parts de la SCI familiale ne soient pas accessibles à d’autres personnes que les associés en place», ajoute Michel Brillat.
Autre avantage de cette structure: «Au moment de la retraite, la SCI détenue par l’ex-chef d’entreprise et ses associés continue de louer l’usine ou les bureaux à un autre exploitant. C’est une façon de se procurer des revenus complémentaires», indique Marie Pérardelle. La SCI permet aussi d’organiser la transmission d’un patrimoine immobilier à ses enfants, sans partager les biens de valeurs différentes en les vendant. Le coût de création d’une SCI oscille entre 700 et 1.500 euros. Comme n’importe quelle société, la SCI dispose de comptes avec un actif et un passif. Il faut tenir une comptabilité régulière et réaliser un bilan annuel. Mieux vaut recourir aux services d’un expert-comptable (200 à 300 euros par an). Il faut aussi tenir une assemblée générale chaque année. Une telle structure peut être propriétaire d’un ou plusieurs biens immobiliers. Toutefois, certains préconisent de ne loger qu’un seul actif par société ou tout du moins les séparer selon leur nature. Il faut surtout distinguer les actifs privés des actifs professionnels en vue d’une transmission à plusieurs vitesses selon le type de bien.